Fondation
Émile-Nelligan

André Hamel

Lauréat du prix Serge-Garant 2012

Né en 1955, André Hamel est actif comme compositeur depuis le milieu des années 80. Il s’intéresse autant à la création qu’à ses conditions de production. En 1985, avec d’autres musiciens, il fondait la Société des concerts alternatifs du Québec (aujourd’hui Codes d’Accès), dont il fut président de 1987 à 1990 et membre du conseil d’administration jusqu’en 1996. À titre de chargé de projet, il a travaillé, pour Codes d’Accès, à la conception et à la mise sur pied de l’événement Musiques-échange Québec-Belgique 1996. Il siègera sur le conseil régional du Centre de musique canadienne de 2004 à 2007, Membre du comité artistique de la Société de musique contemporaine du Québec depuis septembre 2000, il occupera également un poste au sein de son conseil d’administration de 2009 à tout récemment. Il a participé à plusieurs jurys, dont le jury du Prix Flandre-Québec pour la musique contemporaine (2006 et 2007).

En 1992, en compagnie d’Alain Lalonde et d’Alain Dauphinais, il fondait Espaces sonores illimités (ESI), un collectif voué à la spatialisation musicale dont il est toujours membre.

André Hamel a vu ses œuvres exécutées ici et à l’étranger. On lui a également attribué plusieurs prix et distinctions tels une mention spéciale au Concours international de composition Goffredo Petrassi (Fondation Arturo Toscanini, Parme, Italie, 1997), le prix Opus de la Création de l’année en 1998, le prix Joseph-S.-Stauffer du Conseil des arts du Canada en 2000 et, en 2009, le 2e prix ex æquo au Concours collégien de musique contemporaine pour son œuvre pour quatuor de saxophones et traitement numérique Brumes matinales et textures urbaines.

En juin 2007, son octuor de saxophones, À huit, était choisi parmi les œuvres recommandées à la Tribune internationale des compositeurs de l’UNESCO. Un disque entièrement consacré à sa musique, La trilogie du presto (Atma), lancé en 2007 et pour lequel il fut producteur, a été en nomination pour un prix Opus (2006-2007). Le spectacle multidisciplinaire Urnos, pour lequel il a entièrement écrit la musique, fut récompensé par le prix Opus du concert de l’année 2010-2011 dans la catégorie Musiques actuelle, électroacoustique (Conseil québécois de la musique).

Du 1er juillet au 31 décembre 2003, André Hamel a bénéficié d’une résidence au Studio du Québec à New York.

Outre le spectacle Urnos mentionné plus haut, il a participé ces dernières années à plusieurs projets collectifs d’envergure dont l’événement Spatio lumino présenté par Espaces sonores illimités (ESI) en ouverture du festival MNM 2007, le jardin sonore le Sonarium (CMC, Flora – 2006), Musiques au fil de l’eau, une descente de rivière musicalisée (ESI, Fondation Derouin, Val-David – 2006), la Symphonie des Éléments (MNM – 2005), Fanfares (FIMAV, ESI – 2005) ainsi que la Symphonie du Millénaire (SMCQ – mai 2000) pour ne nommer que ceux-là.

André Hamel est présentement enseignant en composition et en formation auditive au Cégep Marie-Victorin (Montréal). Il a récemment entrepris un doctorat en composition à l’Université de Montréal.

www.espacessonoresillimites.com

Démarche artistique d’André Hamel

 

Alors musicien de rock, c’est vers le milieu de la vingtaine que j’ai réellement découvert la musique contemporaine. Ce qui m’a d’abord séduit, c’est la grande liberté d’expression que cette forme d’art me semblait rendre possible. À l’époque, ma copine était étudiante en histoire de l’art et les parallèles que nous faisions entre les arts plastiques et la création musicale venaient nourrir cette impression. La musique, sous ces auspices, offrait à mes yeux des possibilités infinies, tant sur le plan formel qu’au niveau du discours et de l’expression. C’était pour moi.
Puis j’ai douté un temps de cette liberté. On m’apprit que la musique se devait d’être balisée, structurée et ce, jusque dans ses moindres détails, qu’il fallait cela pour éviter d’être entraîné dans les méandres du n’importe quoi. Il fallait pour ce faire emprunter ou se construire un système qui, tel le Lit de Procuste, ne devait tolérer aucun dépassement, aucun écart à la règle. Nous étions encore à cette époque, il faut bien le dire, sous l’influence du structuralisme qui agissait tel un surmoi dans le subconscient de bien des compositeurs.

Il y aurait beaucoup à dire sur les bienfaits et les méfaits de cette pensée musicale. À mon sens, le structuralisme fut nécessaire, voire salutaire dans l’Histoire musicale. Il fallait bien évacuer, une fois pour toutes, l’emprise démesurée du pathos sur la création. Ce faisant, le compositeur se devait dorénavant de prendre ses décisions en fonction du matériau, du système, laisser le moins de place possible à l’intuition et éviter à tout prix l’empirisme. Ces mécanismes suspects, par trop associés au romantisme, devenaient porteurs de perversion. Il fallait que le « maître », cet être de chair, ce pathétique pantin bourré d’émotions, ait un minimum d’emprise sur le « marteau ». Tout au plus son rôle devait-il se borner à mettre sur pied un système qui permette au chef-d’œuvre d’émerger de lui-même.

Avec le recul, on est en droit de penser que les structuralistes ont alors jeté le bébé avec l’eau du bain et, soixante ans plus tard, il appert que l’on puisse très bien se permettre de récupérer le bébé à la rivière sans craindre d’en rapporter l’eau sale. Mais ce faisant, il ne faut pas commettre la même erreur qu’eux et, comme on pourrait être tenté, faire tabula rasa à notre tour de ce que la pensée sérielle nous a légué. Ce réflexe de rejet du courant qui précède, hérité d’une pensée moderniste, d’une vision linéaire et évolutive de l’Histoire appelé progrès, semble aujourd’hui n’avoir plus aucun sens. À force de s’accélérer, le processus nourri de cette pensée a fini par se mordre la queue. Et, placé face au grand jardin des possibles, le créateur est désormais un être libre. Cette liberté n’exclut en rien la rigueur. Elle la libère seulement des ornières étroites où on a voulu la contraindre.

S’il est pour moi quelque chose de grand en art, c’est bien la possibilité de susciter l’émotion, de toucher « l’âme » de nos semblables. Cela est d’autant plus significatif et puissant en musique que l’émotion y prend sa source dans l’abstraction. Par la musique, il est possible d’émouvoir avec des éléments, les sons, qui, isolés, ne veulent absolument rien dire. Un do#, un lab, qu’ils soient longs, courts, aigus ou graves, ça n’a aucune espèce de signification. Pourtant, mis bout à bout ou superposés, ces petits éléments sonores recèlent un pouvoir évocateur apte à nous rejoindre au plus profond de notre être. Il y a là quelque chose d’indicible et de fascinant.

Mais comment atteindre à cette signifiance et d’abord, la signifiance, qu’est-ce que c’est? Comment peut-on définir ce qui a ou n’a pas un sens dans un art qui est abstrait par essence? Je ne le sais pas. J’essaie seulement de le sentir. Je crois bien humblement que c’est le mieux que l’on puisse faire. Ici, aucun système, si savant soit-il, aucun calcul ou formule ne nous viens en aide de quelque façon que ce soit. Bien qu’imparfait, l’intuition est le seul guide qui s’offre à nous.

Aussi, je crois qu’au XXIe siècle, le compositeur se doit d’explorer au mieux le champ des possibles. Il me serait par exemple inconcevable de ne pas avoir tâté de l’électroacoustique. J’ai aussi écrit pour des instruments inusités tels la cornemuse ou les cornes de brume (Symphonie portuaire), de même que pour des instruments inventés. J’ai également collaboré avec des improvisateurs et réalisé des installations sonores. Il m’est toujours apparu important, voire essentiel, de ne pas me cantonner dans le seul créneau de la musique instrumentale écrite pour instruments traditionnels.

Au-delà de ces considérations, deux choses caractérisent une part importante de mon travail; la spatialisation et ce que je nomme l’aspect « élémentiel ». Ces deux approches sont pour moi intimement liées. Définissons d’abord ce que j’entends par « aspect élémentiel ».

Lorsque j’étais encore étudiant au baccalauréat, à la faveur d’un cours de connaissance du répertoire contemporain, l’écoute d’une œuvre de Charles Ives fut pour moi une révélation. L’œuvre en question était The Unanswered Question. La chose m’a immédiatement frappée. J’étais sous le choc; il était possible de penser, de concevoir une œuvre musicale d’une façon radicalement différente de tout ce qui avait toujours prévalu.

En musique instrumentale, les compositeurs ont pratiquement toujours conçu l’œuvre comme une chose dont tous les paramètres avaient un but commun : la création d’un objet unitaire dans sa forme et dans son déroulement. On peut ici faire le parallèle avec l’architecture. Une œuvre architecturale est composée de fondations, d’une charpente, d’un toit, de réseaux de fils et de tuyaux, de murs intérieurs et extérieurs de même que d’un parement et d’une finition intérieure. Tout dans cette construction procède d’un projet unique; une maison (ou autre bâtiment). Et voilà que Ives nous propose une œuvre dans laquelle se révèle un pluralisme où une trompette et deux sections d’un petit orchestre se conduisent comme autant de personnages aux motivations diverses et en complète dissociation les uns avec les autres, tant au niveau du traitement rythmique que du matériau des hauteurs.

Si on poursuit l’analogie, nous pourrions nous pas imaginer que le compositeur puisse, plutôt que de construire une unique maison, réaliser un paysage dans lequel il plantera ce qu’il voudra bien y planter; maisons, granges, montagnes, rivières, forêts ou vallées, tout à la fois si cela est son bon plaisir?

La notion de paysage nous amène inévitablement à la question de la spatialisation. En effet, quel avantage y aurait-il à créer un paysage animé d’éléments sonores autonomes si c’était pour le présenter tel un tableau accroché au mur? En ce sens, tout l’intérêt réside dans la possibilité de faire en sorte que l’auditeur se sente baigné par les éléments sonores qui l’entourent, comme s’il faisait en quelque sorte partie de ce paysage. Ça, les électroacousticiens l’ont bien compris. À certains égards, depuis le tout début, la musique électroacoustique est « élémentielle ». Le fait d’avoir pratiqué cette forme d’art aura sous cet augure été crucial pour moi. Cela constitue une influence tout aussi majeure que la musique d’Ives au regard de cet aspect de ma démarche.

Bien d’autres choses me préoccupent en tant que compositeur, mais aussi en tant qu’être humain. Je considère pour ma part que le créateur est indissociable de l’être social. Je ne suis pas tellement un adepte des tours d’ivoire et je crois profondément à l’importance, pour l’artiste, de rester perméable et sensible à ses congénères et au monde qui l’entoure.

Catalogue des œuvres d’André Hamel

21 COURTES PIÈCES (Œuvre en chantier – titre à déterminer) 30 min. pour petit ensemble et mezzo-soprano 2010

L’HEURE SUSPENDUE
pour flying can et traitement en temps réel, 19 min., 2009

PETIT PRÉLUDE
pour ensemble de flûtes à bec, ensemble de xylophones Orff et harmonie de concert,4 min., 2008

CONTINUUM INTERRUPTUS
pour clarinette, alto et piano, 10 min., 2007

BRUMES MATINALES ET TEXTURES URBAINES
pour quatuor de saxophones et traitement en temps réel, 19 min.

FANFARES IN SITU
œuvre collective pour 100 interprètes, 15 min.

SPATIO LUMINO
œuvre collective pour 6 improvisateurs, 45 min., 2006

MUSIQUES AU FIL DE L’EAU
œuvre collective pour 8 musiciens, 90 min.

SONARIUM
installation électroacoustique collective durée indéterminée

INTÉRIEUR NUIT
œuvre électroacoustique pour un vidéo danse, 8 min., 2005

MUSIQUES POUR UN ÉTRANGER
œuvre électroacoustique en deux tableaux, 35 min.

MUSIQUES POUR FANFARES
œuvre collective pour trois fanfares en mouvement, 80 min., 2004

« DE L’AUBE CLAIRE… »
pour violoncelle et traitement en temps réel, 14 min.

MUSIQUES D’URNOS
pour voix, percussion et instruments reconstitués, 42 min., 2003

L’HEURE BLEUE
pour clavecin et traitement en temps réel, 18 min., 2001

PROPOS SUR RACHMANINOV
pour deux pianos, 14 min.

À HUIT
pour huit saxophones cachés et spatialisés, 18 min.

MAËLSTROM
pour harmonie spatialisée,9 min., 2000

participation à l’écriture de la
SYMPHONIE DU MILLÉNAIRE
œuvre collective (19 compositeurs) pour 333 exécutants, 1999

À SIX
pour 6 percussionnistes spatialisés, 16 min., 1998

IN AUDITORIUM
pour 31 exécutants spatialisés, 16 min., 1997

ÉTUDE NO 4,
Interférences et langueurs dans le presto, pour piano, 6 min.

LE CHANT DES GRANDES COQUES
pour 5 cornes de brume, locomotive, clocher, cloche de pompier et sirènes diverses, 16 min., 1996

IN CAPELLA
pour 23 musiciens spatialisés et deux chefs, 13 min., 1994

LA QUÊTE
pour deux multi-instrumentistes, deux chefs et 24 musiciens spatialisés, 21 min., 1993

ENVIRONNEMENT 239 pour deux trompettes, petite percussion et cordes spatialisées 20 min.

INTERFÉRENCE SUR LE CRIN
pour violoncelle seul, 10 min., 1991

THÉÂTRE NAVRANT
pour soprano, clarinette, guitare électrique et 7 musiciens spatialisés, 14 min.

L’ESPRIT CEINT DANS SON CORSET
pour bande, 21 min.

DEUX PIÈCES POUR CORNEMUSE
pour chabrette limousine (cornemuse), 27 min., 1990

ENVIRONNEMENT 240
pour 17 musiciens spatialisés, 10 min., 1989

DEUX BAGUETTES DANS UN PRESTO
pour percussion solo, 8 min., 1988

L’ABSURDE TRAVAIL
pour orchestre, 14 min., 1985

QUATUOR 241
pour flûtes à bec, 12 min., 1984

ÉTUDE No3
pour bande, 4 min.

PIÈCE POUR VIOLON ET PIANO
12 min., 1983

ÉTUDE No2
pour bande, 3 min.

11 PAR 8
pour saxophone soprano, clarinette en mi bémol, basson, contrebasson, cloches tubulaires et piano,4 min.

COUP DE DÉS
pour piano, 5 min.

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