Fondation
Émile-Nelligan

Sarah-Louise Pelletier-Morin

Lauréate du prix Émile-Nelligan

Sarah-Louise Pelletier-Morin,
Le marché des fleurs coupées,
La Peuplade
2023

© Photo | Olivia Sofia

Sarah-Louise Pelletier-Morin mène des études doctorales et enseigne la littérature au cégep. Elle collabore à diverses revues littéraires et fait partie des comités de rédaction du magazine L’Inconvénient et de Panorama-Cinéma. En 2021, elle a dirigé le collectif Mythologies québécoises (Nota bene). Le marché aux fleurs coupées (La Peuplade, 2023) est son premier recueil de poésie.

 

Commentaire du jury, par Jonathan Charette, président

Au fil des siècles, les poètes de Ronsard à Verlaine, en passant par les Romantiques, ont parsemé leurs poèmes de références aux fleurs au point où la présence de tulipes, de lys ou d’orchidées est devenu un déplorable cliché. Dans Le marché aux fleurs coupées, Sarah-Louise Pelletier Morin relève le défi de réhabiliter la poésie centrée sur les fleurs.

D’une page à l’autre, Pelletier-Morin devient une experte de l’ikebana, l’art floral japonais, tant elle compose un bouquet surprenant qui présente des dimensions historiques, sociales et intimes de la botanique. Elle y parvient sans incorporer un seul élément fleur bleu. Quelle réponse vivifiante à la formule de Gertrude Stein « a rose is a rose is a rose », qui témoigne bien d’une certaine lassitude!

Le marché aux fleurs coupées est un recueil exigeant qui nous ramène au rythme imprévisible du vivant : « Notre pommier produit des fruits une année sur deux ; les forêts, quant à elles, avancent à leur rythme — tu n’y peux rien ». C’est un herbier composite dans lequel la poète tresse les mèches d’une poésie documentaire sur les fleurs avec celles du récit d’une femme qui apprivoise le deuil de son père.

Avec ce livre, Pelletier-Morin nous donne une grande leçon de patience et d’humilité alors qu’elle réactive habilement un sujet défraichi en littérature. À la fin de notre lecture, nous savons maintenant ce que la poète dit à propos de fleurs.

 

Finalistes du prix Émile Nelligan

névé dumas,
poème dégénéré,
L’Oie de Cravan,
2023

© Photo | névé dumas

Émilie Turmel,
Berceuses,
Poètes de brousse
2023

© Photo | Annie France Noël

névé dumas est une poète, herboriste et travailleuse communautaire franco keb blanche. Elle vit sur les terres non cédées du Peuple Algonquin Anishinaabeg et son travail s’intéresse aux expériences trans en relation avec le plus-qu’humain, l’écosexualité et la survie dans un monde en changement radical. Ses écrits ont parus dans des revues, une anthologie et elle a publié quatre livres de poèmes : au monde – inventaire, animalumière, pourritures terrestre et poème dégénéré paru à l’Oie de Cravan à l’automne 2023.

Commentaire du jury

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans les années 1960, toute une génération d’écrivains chantaient le territoire dans une poésie déclamative. De nos jours, alors que le capitalisme engendre d’irréversibles bouleversements environnements, névé dumas prend le pouls de cet espace que nous habitons. Le diagnostic est sans équivoque. Face à la dévastation, elle propose un poème dégénéré.

Au cours de notre lecture, nous constatons rapidement que l’écoanxiété engendre un sentiment de dévastation quand la poète oublie « si le jour se lève ou prend sa retraite ». Triste aurore qui ressemble à un crépuscule.

Plus loin, la poète rappelle qu’elle est ici « à cause des barrages, des autoroutes, des dépotoirs, des coupes à blancs, des mines à ciel ouvert, de cette écologie désastreuse transporté sous la semelle de [s]es ancêtres ».

Ainsi, nous tenons entre nos mains écorchées un recueil attentif au monde nouveau qui dérègle les pensées du présent, celles des ancêtres et toutes autres qui voudraient « intérioriser l’avenir ».

Lanceuse d’alerte, dumas nous force à constater que la réalité ne sera plus jamais comme avant. Ainsi, poème dégénéré est certainement un livre de révolte, mais aussi d’espérance. Révolte envers le système colonial, l’éventrement du territoire, le capitalisme. Espérance que « l’amitié conspire avec le territoire ».

 

 

Née à Montréal, Émilie Turmel habite à Moncton, au Nouveau-Brunswick. Elle est l’autrice des recueils de poésie Casse-gueules (prix René-Leynaud, finaliste au prix Émile-Nelligan) et Vanités (prix Louise-Labé), parus aux Éditions Poètes de brousse en 2018 et 2020. Son troisième livre, intitulé Berceuses, est paru sous la même enseigne à l’automne 2023.

Poète multidisciplinaire, elle a conçu et présenté des dizaines de spectacles et de lectures publiques, en plus de participer à des expositions et des initiatives littéraires en tous genres. Quelques-uns de ses textes ont été traduits vers l’anglais, l’espagnol ou le roumain, et plusieurs sont parus en revues ou en anthologies au Canada, en France, en Colombie, en Espagne et en Roumanie.

Titulaire d’une maîtrise en littérature française et d’un diplôme de deuxième cycle en création de livres-objets (U. Laval, 2015), elle a également étudié et enseigné la philosophie. De 2015 à 2018, elle occupe le poste d’adjointe à la programmation de la Maison de la littérature et du festival Québec en toutes lettres, en plus d’être chargée du volet Arts littéraires de la mesure Première Ovation. De 2018 à 2021, elle occupe le poste de direction générale du Festival Frye, le plus important événement littéraire au Canada atlantique. En 2020, elle contribue à fonder le Réseau des arts de la parole et des arts et initiatives littéraires (RAPAIL), nouvel organisme pancanadien. Et depuis 2023, elle est assure la direction littéraire de Perce-Neige, la plus ancienne maison d’édition acadienne toujours en activité.  

Elle siège actuellement au bureau de direction du Regroupement des éditeurs franco-canadiens (REFC) et au conseil d’administration du RAPAIL, et poursuit ses projets d’estampe-poésie en tant que membre de l’atelier Imago.

Commentaire du jury

 

 

 

 

 

 

 

 

Par le passé, Geneviève Amyot et Rita Lasnier ont proposé des livres d’une grande richesse sur les différents visages de la maternité. Émilie Turmel s’inscrit dans ce courant avec Berceuses, un recueil qui dégage une profonde humanité.

Comment évoquer Berceuses sans souligner le travail d’orfèvre de Turmel sur la question de la scansion? Dès la première page, le mouvement nous entraîne « d’arrière en avant d’avant en arrière avec la constance de cent métronomes ». Ce livre est majoritairement composé de distiques. Ces groupes de deux vers ne sont pas sans rappeler la figure de la mère et celle de l’enfant qui sont unit sur la chaise berçante. Les syllabes des chansons s’entremêlent avec les craquements du plancher dans un contrepoint tendre et familier, malgré les angoisses de la jeune mère devant le compte à rebours du micro-onde qui réchauffe le lait nourricier. Avec une concision qui rappelle le triptyque sur les possibilités du poétique de Louise Dupré, le rythme cadencé des vers donne au recueil la force d’une incantation.

À l’heure où nous vivons de grandes transformations sociales, politiques et climatiques, Berceuses s’inscrit avec assurance ainsi que bienveillance dans une tradition qui fait le pari de croire en l’avenir.

 

JURY 2023                 COMMUNIQUÉ DE PRESSE        

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