Fondation
Émile-Nelligan

Allocution du lauréat du prix Ozias-Leduc 2001

Massimo Guerrera

 

Mon tour de manège a débuté par une enfance migratoire se promenant entre Rome et Saint-Prime au Lac Saint-jean, pour aboutir dans les ruelles de la rue Saint-André puis de la rue Mentana à Montréal. Mes énergies se sont cristallisées, entre 1990 et 1993, autour d’une intuition initiale, qui prendra comme plate-forme le corps-maison et toutes ses portes sensorielles.
Cette pratique se déploiera à l’intérieur de trois expositions laboratoires ; que furent Stade d’épuration synthétiqueCirculation présente et l’Usine métabolique. Ces expériences tournant autour de nos capacités et incapacités à composer avec ce hors-soi-nécessaire. Celui qui circule et traverse nos corporalités palpables et impalpables et les DIFFÉRENTES MANIÈRES DONT NOUS NOUS PROTÉGEONS OU NOUS NOUS MOUVRONS FACE À cette ALTÉRITÉ quotidienne. CAR CE SONT très souvent LES AUTRES QUI NOUS DÉPLACENT DE MANIÈRE SIGNIFICATIVE. DURANT L’USINE MÉTABOLIQUE JE ME SUIS DIT » TOUT ORGANISME OU INGRÉDIENT QUI ENTRE DANS UN MÉTABOLISME EN MODIFIE LA FORME ET LES DENSITÉS ÉNERGÉTIQUES, IL LE DÉPLACE. «

CETTE préoccupation du hors-soi-nécessaire, A MIT EN BRANLE TOUT UN TRAVAIL SUR LES MEmBRANES, LES FILTRES, LES FRONTIÈRES ORGANIQUES ET ARTIFICIELLES. Sur LES ENTRÉES ET LES SORTIES DE NOS MAISONS-PLURICELLULAIRE. C’EST ÉGALEMENT À CE MOMENT-LÀ QUE S’EST INTRODUITE LA NOURRITURE COMME POINT DE CONVERGENCE ET D’INCARNATION DE CETTE ALTÉRITÉ NÉCESSAIRE. JE PENSE QU’UN TRAVAIL attentif SUR NOS LIMITES physiques et psychiques ET SUR NOS CAPACITÉS À NÉGOCIER DES LIENS DE COHABITATION AVEC L’AUTRE, PEUT ÊTRE UN CHAMP DE RÉFLEXION OÙ LA PRATIQUE ARTISTIQUE PEUT DONNER DES FRUITS consistants.

CAR CES ENTRE-ESPACES QUI NOUS SÉPARENT ET NOUS UNISSENT, DU MICRO AU MACRO, du privé au public, NE PEUVENT PAS SEULEMENT ÊTRE RÉGIE D’UNE MANIÈRE CONTRACTUELLE, LÉGALE OU TECHNIQUE. CEs lieux d’être-ensemble sont les chants CONSTITUTIfs DE NOS RELATIONS. DEs ESPACEs en métamorphose, QUE NOUS cultivons et PORTONS entre nous, QU’ON DOIT REFAÇONNER ENSEMBLE AVEC Des OUTILS CRÉATIFS et spirituels.

Ce qui me semble essentiel, c’est le fait de laisser tomber nos volontés de contrôle et nos protections inutiles. De regarder toutes ces obstructions qui nous empêchent de nous libérer et de se rencontrer réellement. La confiance est une demeure fragile. Avoir une pratique artistique quotidienne permet cela, de questionner et dissoudre ces parois inutiles que nous nous fabriquons nous-mêmes. Ce que je veux dire ici n’est nullement une naïve promotion à l’ouverture, il faut bien comprendre qu’il y a des activités et des éléments qui contribuent à la conscience et à la libération, et que d’autres sont plus stériles et non nutritifs. Il faut être capable de les identifier. Le problème c’est qu’on ne les voit pas toujours au milieu de l’agitation. Il faut ralentir pour mieux voir toutes nos constructions inutiles. Pour arrêter de s’épuiser a fabriqué des remparts aux mauvais endroits.

CETTE VOLONTÉ métisse Est CONSCIENTE DES FAUSSES PROMESSES HOMOGÉNÉISÉES DU VILLAGE GLOBAL. IL S’AGIT ICI D’UNE VOLONTÉ SOCIALE PLUS FINE QU’UNE MACÉDOINE STANDARDISÉE. BIEN ENTENDU QUE CE QUESTIONNEMENT SUR LES LIMITES du corps singulier et du corps-commun, S’EST RAPIDEMENT ÉTENDU SUR DES ENJEUX POLITIQUES. DES PAROIS SEMI-PERMÉABLES DES MICRO-ORGANISMES CELLULAIRES, à celui des protéines et JUSQU’AUX FRONTIÈRES PERMÉABLES D’UN PAYS que l’on compare parfois à une passoire. Qu’elle est l’étanchéité du CORPS-COMMUN celui D’UNE NATION. On EST EN TRAIN DE RÉALISER QUE L’ÈRE DE LA NOUVELLE ÉCONOMIE ET DE LA SOI-DISANT LIBRE CIRCULATION, N’EST PAS AUSSI équitable et souple DANS SES INTentions et ces ouvertures. Les systèmes politiques occidentaux ont des sérieuses questions à se poser, sur les limites de leurs intrusions, aujourd’hui plus sournoise et mieux déguiser dans cette ère postcolonialiste qui demande des effets spéciaux plus sophistiqués, pour traverser l’opinion publique que l’on pourrait nommer ici l’opinion marchande. Des organisations gargantuesques qui ne tiennent que très rarement compte de l’intégrité et des intérêts des autres nations.

Cette constante métissée, dont je parle ici, doit être prise avec toutes les nuances et les subtilités qu’une volonté identitaire hybride implique. Car ici il ne s’agit pas du tout de faire du » même «, mais d’être conscient que le protectionnisme binaire est une fausse carte à la diversité. CE regard TRANSPORTE LA CULTURE ÉPONGE DANS DES ESPACES DIFFICILES, MAIS INCONTOURNABLES, OÙ SURGISSENT DES VIEUX FANTÔMES, QU’ON croyait avoir OUBLIÉS, NOMMÉS ASSIMILATION et PURETÉ. BON NOMBRE DE QUÉBÉCOIS ET QUÉBÉCOISES ONT COMPRIS depuis longtemps LA VALEUR ET LA RICHESSE De l’étranger. UN MÉTISSAGE INCARNÉ, ET NON PAS DE FAÇADE, QUI N’A RIEN À VOIR AVEC UN FOLKLORE MULTICULTURALISTE PSEUDO-TOLÉRANT. Une interpénétration des idées et des signes culturels, celle des corps. JE ME RENDS COMPTE QUE C’EST ENCORE L’AMOUR ET SES FORCES DÉSIREUSES, QUI SONT ENCORE LE MEILLEUR VÉHICULE ET le meilleur MOTEUR DE cette MAGNIFIQUE DIVERSITÉ. MERCI aux rencontres de la vie ET À leurs EXCÉDENTS joyeux, merci aux enfants incandescents qui réfléchissent la nuit.

Pour terminer j’aimerais remercier ceux et celles qui m’ont donné les premiers coups de main et les premiers coups de cœur. Candide Guy et Antonello Mereu qui m’ont transmis le goût du travail attentionné, les nuances de la table et du quotidien et le courage de tenir ses idées. À mes trois tantes Stella, Guy, Micheline Guy et Lise Guy Gagnon et mon oncle Léopold Gagnon, qui m’ont toujours encouragé avec tendresse et constance. Corine Lemieux pour son amour, avec qui je partage des segments d’existence magnifiques et que le mot grandir ensemble prend toute sa signification. Luc Vassort pour son regard, son respect et sa délicatesse. Gennaro de Pasquale pour sa quiétude et ses jugements suspendus. Caroline Montana pour sa spontanéité touchante. Annie McDonought pour sa passion et sa générosité. Louis Dussault et Louis Parent qui m’ont permis de faire mes premières expériences à la galerie 67 à Québec. Lili Michaud à la galerie Occurrence à l’époque rue Jean-talon. Nancy Bourassa au centre Dare-dare qui m’a invité en 1997 pour la Cantine. Les gens du Temps-fou, Véronique Dassas, Yvan Maffezinni et Serge Martel avec qui j’ai pu approfondir mon sens critique sur les questions politiques, sociales et communautaires, un lieu de convergence important où j’ai rencontré Jean-Ernest Joos avec qui les mots relation et amitié ont prient toutes leurs profondeurs et leurs complexités. Anne-Marie Ninacs pour sa confiance et ses yeux éclairés. Chantal Pontbriand de la revue Parachute. Les gens du groupe Udo et leur résistance nécessaire. Hervé Bouchereau pour son humanité précieuse et son enthousiasme contagieux. Tous les gens qui participent en ce moment ou qui ont participé au projet de la Cantine de Porus ainsi que Darboral. par ce prix, vous me dites merci et continu, je suis joyeux et un peu abasourdi à la fois. Comme toutes ces choses qui adviennent et dont on ne sait trop par quel bout les prendre. Je remercie les membres du jury pour leur sensibilité et leurs convictions. Je suis content d’être un fil faisant partie d’une grande nappe, aux bordures indéfinies, qu’est la culture québécoise.

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