Fondation
Émile-Nelligan

Philippe More

Lauréat du prix Émile-Nelligan

Philippe More,
Le laboratoire des anges,
Poètes de brousse
2010

 

 

 

 

Né en 1976, Philippe More est médecin, et il pratique actuellement à l’urgence et à l’unité de soins intensifs de l’Hôpital du Haut-Richelieu. Poète, il a attendu presque dix ans avant de faire paraître son premier livre, Théâtre de l’apesanteur, en 2006 aux éditions Poètes de Brousse. Ses trois livres suivants ont été publiés chez le même éditeur : Nos images d’aphasie en 2007 (finaliste au prix des Terrasses Saint-Sulpice de la revue Estuaire), Brouillons pour un siècle abstrait en 2008 (finaliste au prix du Gouverneur général du Canada), et Le laboratoire des anges en 2010.

 

Commentaire du jury, par Denise Brassard, présidente.

Ce recueil d’une rigoureuse gravité nous fait pénétrer dans un univers chirurgical, un lieu limite où l’existence risque toujours de basculer dans le coma ou le sommeil définitif. L’accueil de la souffrance et des revers du sens, à la faveur de constants déplacements du sujet, allant de l’intérieur du corps jusqu’aux confins du paysage, permet d’appréhender le vivant dans tous ses mystères et ouvre sur une spiritualité forte sans être appuyée. Dans les profondeurs du corps, le poème s’approche des « assises de la douleur », de ces régions de l’âme où rien de l’existence ne va plus de soi. Évitant le point de vue purement clinique et objectif, la rencontre du corps souffrant devient une aventure de soi-même. Le corps malade se fait miroir, et ce miroir se tourne vers le lecteur qui peut s’y voir sans succomber à l’angoisse. Le lecture se trouve ainsi confronté au mystère de la dégradation et de la mort en même temps qu’à ce qui veut respirer, palpiter, renaître et partant retrouver « une autre durée », comme au terme d’une nuit sacrificielle qui vous laisse meurtri mais grandi d’une conscience plus vive.

Finaliste du prix Émile Nelligan

Frédéric Marcotte,
Évangile,
Les Herbes rouges
2010

Maggie Roussel,
Les occidentales,
Le Quartanier
2010

Frédéric Marcotte est né à Montréal le 3 août 1975. Il grandit à LaSalle, Saint-Jean-Baptiste et Anjou. Il commence à écrire à 18 ans après avoir lu Rimbaud. Il garde une affection particulière pour les classiques. Au moment d’entreprendre le bac, des difficultés financières l’obligent à aller sur le marché du travail trop tôt et sans formation. Jusqu’en 2008, il travaille de façon précaire et continue de lire et d’écrire sans ambition, malgré un séjour à l’Université Laval qui avait confirmé sa passion en 1998. C’est en faisant le ménage dans ses papiers qu’il se rend compte qu’il a dans les mains une somme considérable de poèmes et d’écrits. Mais depuis quelques années, il s’amuse à écrire des poèmes à forme fixe, ce dont personne ne veut, alors qu’il avait toujours écrit en prose. En janvier 2009, il entreprend un long projet en prose poétique qui deviendra Évangile, publié aux Herbes rouges en août 2010. Il étudie présentement en études littéraires à l’UQAM.

Commentaire du jury

Formulant le projet démiurgique
de « s’absenter pour tout incarner », ce recueil propose une odyssée dans l’espace et le temps. Un infatigable marcheur, vagabond sans âge, marginal qu’illumine sa blessure, remonte les siècles jusqu’à l’aube de l’humanité et brouille tout au passage: événements, époques, personnages, mythes. Dans ce séjour aux enfers, de multiples identités se croisent, se télescopent et se transforment, proposant une relecture de l’histoire universelle : anachronisme y est synonyme de Jouvence. Dans une prose hallucinatoire, qui le place en filiation avec les Lautréamont, Rimbaud, Desnos, Frédéric Marcotte ajoute à l’exigence de la disparition celle de prendre sur soi l’ignorance, la faiblesse, la souffrance de l’humanité. Une fois acquise la certitude que « le mal vient du bien », il pousse le cycle jusqu’à ce qu’à nouveau le bien sourde du mal. Le corps devenu lieu de destruction, théâtre de l’apocalypse peut seul ranimer la foi et lutter contre le désespoir. En faisant de l’accueil de la mort et de la dépossession des conditions de la présence, ce livre, remarquable par son érudition et les qualités de sa construction, oppose une farouche résistance à l’individualisme et au cynisme ambiants.

Née en 1975, Maggie Roussel a fait une maîtrise en littérature à l’Université de Montréal et des études en traduction à l’Université Concordia. Sous le pseudonyme Maggie Blot, elle a publié un livre de poèmes, Clémentine et Mars (Triptyque, 2002), et une fiction, Plagiste (dormir ou esquisser) (Triptyque, 2007).

Commentaire du jury

Contre la fluidité du lyrisme ou les liaisons du récit, et contre les impératifs de la pensée positive, ce recueil fait entendre une voix sans cesse interrompue, fragmentée en une suite de notations et de propositions lapidaires, fougueuses, ironiques. Ni la pensée organisée, cohérente, ni le refuge dans l’intimisme ne sont plus possibles, mais l’auteure réussit le tour de force de ne pas sombrer pour autant dans le chaos ou dans les hyperboles de la révolte ou de la dénonciation. Pour décrire sans complaisance son écriture, Maggie Roussel parle d’un « style tennis contre le mur ». Dans ce propos qui fonctionne au coup par coup, la fragmentation irréparable de notre monde est à la fois subie dans une émouvante vulnérabilité, et affrontée, voire confrontée, par l’arme de l’humour, dans des télescopages désopilants, dans une langue abrupte, ferme, nourrie à l’évidence d’une fréquentation assidue de la littérature moderne. Un livre brillant, qui interroge d’une manière radicale le sens d’exister dans un monde sans ordre et sans continuité.

JURY 2010      COMMUNIQUÉ DE PRESSE

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