Jonas Fortier
Lauréat du prix Émile-Nelligan
Jonas Fortier,
L’air fou,
L’Oie de Cravan
2024
© Photo | Amayel Gibson Fall
Originaire de Montréal/Tiohtià:ke, Jonas Fortier est poète, éditeur et traducteur. Depuis ses années passées au sein de la Coopérative d’édition En jachère et de La passe, il chérit les fanzines, les petits livres faits main, et en général toutes les choses lumineuses capables de ne coûter rien. Il a publié plusieurs recueils chez L’Oie de Cravan, dont Chansons transparentes en 2019 et Courbure de la terre en 2022, lequel s’est vu récompensé par le Prix international de poésie Yvan-Goll, à Paris. Son dernier livre s’intitule L’air fou et est finaliste au Prix du Gouverneur Général 2024. Jonas anime également, avec Shawn Cotton et Hermine Ortega, la revue de poésie Tantôt.
Commentaire du jury, par Nicole Brossard, présidente
L’air fou, le titre du recueil de Jonas Fortier, c’est aussi l’air calme, l’air ambiant, une manière d’habiter en corps et en pensée ce qu’est la réalité, ou « chaque millénaire », l’oralité ou le chant des oiseaux ou « l’intérieur du pain ».
Ce recueil de Jonas Fortier est fait d’un charme rare qui serait d’aimer faire corps avec la vie au premier coup d’œil, à la première sensation, tout cela en accueillant l’image qui s’offre, puis en la rapprochant de soi de manière à pouvoir l’aimer avec des retouches qui font basculer le côté oui de la vie dans les pensées.
L’écriture de Jonas Fortier se tient toujours en équilibre entre le sens et le contre-sens de la réalité en modulant les mots si finement qu’il en résulte un plaisir de vérité en constant mouvement, une nano joie de réel qui compte vraiment.
Ainsi la fluidité des vers, les images en gros plan du quotidien, le grain de sel de l’auteur et chaque ligne nous surprennent sans relâche sur le fait d’être en train de bien lire le moindre détail qui bientôt se transforme en émotion.
« quand la chaîne des nouvelles tombe
à nos pieds il ne nous reste rien
que l’oralité ou alors le chant
des oiseaux »
Finalistes du prix Émile Nelligan
Mégane Desrosiers est corédactrice en chef de la revue Lettres québécoises. Elle rédige actuellement un mémoire de maîtrise à l’Université McGill. « La bouche pour montrer une série de lames » est son premier livre.
Commentaire du jury
Monologue intérieur qui fait bouger l’enfance, le nom des animaux et les pronoms à une vitesse de train d’enfer exploréen, le livre de Mégane Desrosiers s’offre à la lecture dans l’urgence de l’action des mots.
L’écriture au couteau de Mégane Desrosiers saisit le poème à l’état naissant pour en faire un bestiaire dont les enluminures cruelles nous ravissent. Pourtant elle dit : « Je n’invente rien, sinon ma promesse de ne rien inventer. » et très lucide, elle dira plus loin : « Je connais la musique. Ce que tu penses : ma verticalité, ma forme, ma mue, mon immensité, mon solage. »
À la toute fin, le glissement de la première personne à la deuxième personne nous convoque à la métamorphose. De l’angoisse à la délivrance, désormais la poète « ne ressemble en rien à ce qu’on raconte ». Et c’est ainsi que nous l’apprécions.
Angelina Guo est née à Montréal en 2001. Elle vit à Paris, où elle prépare un master en littérature française à l’université de la Sorbonne et à l’École normale supérieure. Comparution est son premier livre.
Commentaire du jury
Rarement voit-on un je circuler dans le passé du présent et le présent de l’écriture avec autant de nuances et de lucidité.
« Je ne choisis pas quand les souvenirs reviennent » écrit Angelina Guo dans un recueil hybride qui traque la vérité de la violence à travers un mélange de formes et de langues. Le texte plurilingue devient le lieu de la comparution.
De l’enfance jusqu’à l’âge adulte entre le dépanneur de Hochelaga de ses parents immigrés de Chine, elle, l’exilée et l’étrangère se met constamment en danger en explorant avec lucidité le spectre de la domination raciale et genrée dont elle est l’objet. L’écriture incisive dénonce, sans jamais s’apitoyer. Le propos se diffracte et se reconstruit à notre plus grand bonheur à travers ses multiples facettes et tonalités. Celle qui affirme d’entrée de jeu qu’elle n’a pas de langue maternelle nous éblouit par son entreprise paradoxale.