Fondation
Émile-Nelligan

Éloge de la lauréate du prix Ozias-Leduc 2025

Lyne Lapointe

Lyne Lapointe - lauréate du prix Ozias-Leduc

lu par François Morelli
artiste pluridisciplinaire, lauréat du prix Ozias-Leduc 2025
et président du jury

Née à Montréal en 1957, Lyne Lapointe est une figure majeure de l’art contemporain québécois depuis quatre décennies. De 1983 à 1995, elle travaille avec l’artiste et critique d’art Martha Fleming. Baptisé les Petites Filles aux allumettes, le duo s’active en dehors des institutions, voire en opposition d’elles. Cette démarche marginale qui questionne le monde de l’art, ses conventions et ses biais prend la forme d’installations dans des bâtiments abandonnés, choisis avec attention, à Montréal comme à New York ou São Paulo. Parmi les édifices montréalais qui reprennent ainsi vie, signalons le théâtre Corona (aujourd’hui Beanfield). Lyne Lapointe et Martha Fleming ne marquent pas seulement l’histoire au Québec de l’installation in situ, tout comme Pierre Dorion, Betty Goodwin ou Irene F. Whittome, elles font de leurs projets des vecteurs de changements qui poussent les autorités municipales à reconnaître la valeur patrimoniale des édifices. Sur le plan social, les installations du duo révèlent l’importance que ces architectures prennent en tant que lieu d’échange, de rencontre et de mémoire. Habitées de fresques, d’armoires, de bricolages, de sculptures, elles deviennent des cabinets de curiosité qui ravivent des mythologies anciennes, voire extraterrestres, dans une perspective féministe.

En 1996, un accident oblige Lyne Lapointe à délaisser les installations dans des bâtiments désaffectés. Elle déménage à la campagne et y établit son atelier et ses nombreuses collections d’objets glanés au fil du temps. Son travail personnel, en dehors du duo, prend son envol une fois le 21e siècle entamé. Elle développe alors un vocabulaire à partir de la riche diversité de choses dont elle prend soin. Ses œuvres bi ou tridimensionnelles évoquent les mondes animal et végétal, mais aussi les civilisations passées, leurs cultures matérielles, leurs fables, leurs contes, dans la lignée des Petites Filles aux allumettes.

La pratique de Lyne Lapointe parle depuis toujours de préservation et de prise de soin du monde. À notre époque anxiogène, elle est plus que jamais actuelle. Les tableaux qu’elle nomme alcôves de la série Extinctions, réalisée en 2017 et 2018, mais seulement exposée cet automne, sont éloquents de cette préoccupation qui est la sienne, et qui devrait être autant nôtre, envers ce qui nous entoure. Pendant la pandémie, alors qu’elle lutte contre le cancer, Lyne Lapointe a introduit la figure féminine comme un écrin pour exulter ses souffrances intérieures, mais aussi les maux sociaux, écologiques et politiques. Sur une matrice de verre, elle peint les formes d’un corps qu’elle transfère sur une feuille de papier. L’empreinte de cette matrice devient le fil conducteur de nombreux portraits où elle appose un objet de sa collection, un coquillage, un fruit sculpté en bois, des lanières de tissu, du coton, des poils de porc-épic… Chaque objet ajouté se transforme en une armure, une protection, une robe ou une ornementation.

Rappelons que le Musée d’art contemporain de Montréal a consacré deux grandes expositions à Lyne Lapointe : Studiolo, en 1998, sur son travail collaboratif avec Martha Fleming, et La tache aveugle, en 2002. Représentées par les galeries Bellemare Lambert, ses œuvres font partie des collections du Musée d’art contemporain de Montréal, du Musée des beaux-arts de Montréal, du Musée des beaux-arts du Canada, du Musée national des beaux-arts du Québec et de la Vancouver Art Gallery.

Jérôme Delgado, pour le jury du prix Ozias-Leduc 2025
Avec Marie-Justine Snider et Sylvie François

 

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